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LA VOIE "ROYAL"
13 avril 2006

LA FORCE TRANQUILLE DE SEGOLENE ROYAL

lemondecouv3

Dans sa course très médiatisée à l'investiture socialiste pour l'Elysée - qui n'aura lieu que fin novembre -, Ségolène Royal tient toujours la corde. Augrand désespoir de ses concurrents déclarés ou virtuels, la présidente de la région Poitou-Charentescontinue de caracoler en tête des sondages. Elle maîtrise et calcule parfaitement ses déclarations, entretient son site Internet (desirsdavenir.org), enregistre les ralliements d'élus et les comités de soutien, bref s'organise pour être, selon sa formule dans Paris Match du 6 avril, "prête si le moment se présente".

Ségolène Royal ne se borne pas à déployer impérieusement sa force tranquille. Elle bouscule, l'air de rien, les lignes au PS en renouant avec la thématique et la démarche de ceux qu'on avait appelés, en 1984, les "transcourants". Ces jeunes loups trentenaires voulaient se battre au sein du PS sans s'inféoder à aucun courant. L'acte fondateur de cette aventure avait été posé par un article publié dans Le Monde daté 16-17 décembre 1984 et intitulé "Pour être modernes, soyons démocrates !" Ce plaidoyer pour une modernisation de la politique invitait le PS à être "le parti de toute la société" et à "en appeler au réel bien plus qu'aux mythes".

La future députée des Deux-Sèvres avait accompagné de près le pari des "transcourants", dont le principal animateur était son compagnon, François Hollande. Le 15 février 1985, toujours dans Le Monde, et en dépit de la suspicion provoquée dans le PS par cette initiative, M. Hollande avait récidivé avec les trois autres "mousquetaires" - Jean-Michel Gaillard, Jean-Yves Le Drian et Jean-Pierre Mignard -, en opposant au "parti de la glaciation morale et du repli frileux" le choix de "faire prévaloir les compromis honnêtes, les principes humains, le respect de l'autre, le souci de la justice". Non dépourvus d'une fraîcheur un peu candide, les "transcourants" se disaient "attentifs autant au progrès social qu'à l'efficacité économique" et souhaitaient engager un débat sur "le mode de participation des électeurs à l'élaboration de la pensée politique".

Le court combat des "transcourants" prit fin faute de combattants. Mais, fidèles à leur volonté initiale, M. Hollande comme Mme Royal ont toujours évité de s'inféoder à un courant. En 1995, lors de la première primaire socialiste pour le choix du candidat à l'Elysée, M. Hollande, chargé de l'économie auprès du premier secrétaire, Henri Emmanuelli, se tient à l'écart de la bataille qui oppose ce dernier à Lionel Jospin. Mme Royal, qui avait déjà songé à être candidate, va plus loin encore dans le refus de choisir, en recourant à une formule cruelle - "Deux trains sont lancés l'un contre l'autre. Ecartez-vous des voies !" - qui nourrira l'inimitié que lui porte encore l'ancien premier ministre...

"Transcourants", "Ségolène" et "François" étaient, hors-courants ils restent. Sur son site desirsdavenir.org, Mme Royal entend bien expérimenter, à travers le dialogue avec des citoyens érigés en "experts légitimes", la "démocratie participative", chère aux "transcourants", dont elle se réclame en Poitou-Charentes. Il s'agit d'un forum participatif et non partisan - aucun lien avec le PS et même aucune mention n'apparaît - où "tout le monde (à condition de respecter certaines règles élémentaires de savoir-vivre) est invité à participer". Son association Désirs d'avenir se propose ainsi de "fédérer toutes celles et tous ceux qui trouvent que notre société devrait aller mieux et qu'il faut se donner les moyens qu'elle aille mieux, pour débattre et construire ensemble des propositions". Zarma10, Pepito64, Sporniket, Marsipulami, Ravachol et autres internautes débattent de "flexsécurité", de contrat unique de travail, de globalisation et d'action publique "efficace et participative" et "Ségolène", selon un pur mode socialiste, fait la synthèse...

Dans le premier chapitre de son livre, qui sera publié en septembre, où elle défend une "autre façon de faire de la politique", Mme Royal explique ainsi sa démarche : "Les Français ne se sentent pas reconnus et sont de plus en plus nombreux à penser que les politiques sont déconnectés du terrain, impuissants face aux problèmes, incapables de décoder l'avenir (...). C'est à la racine qu'il faut attaquer les causes du mal démocratique. Il faut montrer que l'impuissance n'est pas une fatalité."

DÉMARCHE PARTICIPATIVE 

Pour autant, Mme Royal participe chaque semaine à la commission du projet du PS - qui doit aboutir à un texte le 17 juin - avec les autres présidentiables et sous la houlette du premier secrétaire François Hollande, dont certains proches ne désespèrent pas qu'il puisse être, à l'arrivée, lui-même candidat. Elle déploie sa campagne aux marges du parti mais entend bien, si elle est la candidate, s'appuyer sur son projet, enrichi des apports de son forum.

Dans son entretien à Paris Match, Ségolène Royal s'appuie aussi sur son expérience de présidente de région - "au contact des difficultés, des espoirs et des projets des gens" - pour affirmer, avec beaucoup d'assurance, qu'elle connaît "les sujets qui sont ceux qui permettront à la France de se remettre debout et de continuer à progresser : l'éducation, la transmission des valeurs, le travail, l'environnement, la santé, l'équilibre, l'harmonie, la famille, l'efficacité économique, des sujets dont j'ose parler depuis quinze ans". Elle met en avant sa "liberté de parole", récuse les "facilités idéologiques", mais affirme s'en tenir "fermement aux valeurs qui forment le socle de la gauche et l'idéal des socialistes, tendue vers l'action rapide et efficace".

Si Mme Royal intrigue ou irrite une partie de l'appareil socialiste, elle fait son "marché" dans chaque courant. Et sur les 18 000 internautes qui ont choisi un "contrat premier engagement" pour adhérer, moyennant 20 euros la première année, au PS, bon nombre se disent ouvertement séduits par Ségolène Royal. Le 2 avril, François Hollande a entériné cette démarche participative et "transcourants" en interpellant ainsi les nouveaux membres : "On va vous demander : "Mais vous êtes dans quel courant ?"; répondez : "Je suis socialiste, d'abord socialiste, surtout socialiste ! Je ne suis pas venu pour tel ou tel. Je suis venu pour l'idée que je me fais de la société française, de ce que l'on appelle le socialisme. Je ne suis pas venu pour servir une personne, un clan, je suis venu pour servir l'idéal que nous partageons en commun"". Le (ou la) candidat(e) du PS en 2007 sera-t-il " transcourants" ? Les filets sont lancés...

Michel Noblecourt - LE MONDE

Article paru dans l'édition du 13.04.06

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Commentaires
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