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LA VOIE "ROYAL"
22 août 2006

Etre une femme, l'arme absolue

Dans un parti dominé par les hommes, Royal met en avant sa différence.

Par Muriel GREMILLET - Libération

Ségolène Royal est une femme. A ceux qui l'auraient oublié, les photos volées parues dans la presse people cet été sont venues le rappeler. Une femme, en maillot de bain deux-pièces bleu outre-mer, une casquette sur la tête, et qui profite de sa baignade dans la Méditerranée pour faire des mouvements de gym appuyée sur une frite. L'occasion de mettre en scène une fois de plus sa vie de madame tout le monde. Et, dans cette expression, c'est le madame qui compte. Car la députée des Deux-Sèvres, et candidate à l'investiture socialiste pour la présidentielle, en a fait un argument de campagne. Mais aussi une arme létale contre ses concurrents, tous des hommes : DSK, Laurent Fabius, Jack Lang, Lionel Jospin, et même son compagnon, François Hollande.

Enfants «élevés».

Depuis ses débuts politiques, Ségolène Royal n'a jamais manqué une occasion de mettre en scène sa féminité, surtout quand elle se pare des habits de la maternité comme en 1992 : ministre de l'Environnement, elle pose dans Paris Match avec sa dernière née, Flora. Dans la campagne menée pour l'investiture socialiste, elle n'a pas manqué de parler de ses enfants, «élevés» , ce qui lui permet une disponibilité pour prétendre à la magistrature suprême.

Mais, aujourd'hui, son sexe est devenu argument de campagne : puisqu'elle est une femme, jeune pour le monde politique (53 ans), c'est une assurance qu'elle gouvernera autrement. Ses premiers soutiens à l'intérieur du PS, comme Arnaud Montebourg, croient dur comme fer à cette thèse. «Les femmes ne font pas les choses comme les hommes, affirme le député de Saône-et-Loire. C'est un mélange de sincérité et de détermination. Et puis la maternité, même inconsciemment, ça oblige au dévouement. Les hommes ne sont pas comme ça.» Un argumentaire «différentialiste» qu'on entendait beaucoup à l'époque du vote de la loi sur la parité par les socialistes, en 2002.

En tailleur clair.

Une femme, donc, synonyme de meilleure gouvernance ? «Elle est proche des gens, du terrain, à l'écoute», dit un de ses soutiens. Pour être raccord, la candidate à la candidature préfère depuis un an, aux discours depuis une tribune, trop martiale à son goût, les «rencontres» avec les militants. En tailleur clair et petits talons. Au milieu des auditeurs, dans le dialogue plus que le discours.  Symptomatique aussi : à ceux qui l'interrogeaient sur d'éventuelles difficultés à concilier vie de famille et vie politique, elle ne réplique plus : «Poseriez-vous cette question à un homme ?», réponse utilisée par les féministes.

Etre une femme est donc un argument de campagne. D'autant plus utile qu'il paralyse les concurrents. «Evidemment, au concours de brushing, on est nuls», trouve encore la force de plaisanter un fabiusien. Qui poursuit : «Elle s'est mise en position de mère intouchable, de femme faible. Si on met en doute ses compétences, sa capacité à faire le poids face à Sarkozy, on va nous traiter de machistes. Résultat, on ne peut rien dire.»

Certains, comme DSK ou Jack Lang, se sont à leur tour essayés au dévoilement de leur vie de Français «ordinaires» avec femme, enfants, petits-enfants... En vain, leur cote ne remonte pas. «Ils sont paralysés parce que, finalement, le PS est un parti machiste, dit un député européen. On est entre hommes, il faut nous voir. De réunion en réunion, jamais à la maison. Et elle, qui n'a jamais vraiment mis les mains dans le cambouis de la cuisine interne, débarque et est la plus populaire. Ça nous fout un coup.» Pourtant, des femmes, au PS, il y en a eu, d'Elisabeth Guigou à Martine Aubry, Marylise Lebranchu ou Marie-Noelle Lienemann. Sans oublier Yvette Roudy ou Edith Cresson. Sans qu'elles aient jamais atteint l'aura de Royal aujourd'hui. Réponse du même député européen, redevenu, comme de bon droit, machiste : «Vous les avez vues en maillot ?»

Utérus.

Les conseillers de Ségolène Royal réfutent vertement se servir de son statut de femme pour vendre une manière différente de gouverner : «On ne gouverne pas avec son utérus, tranche Sophie Bouchet-Petersen, conseillère de la députée. Mais il est indéniable que Ségolène Royal est différente des autres, par ses origines familiales, ses expériences. Elle a certes fait l'ENA, mais pas comme les autres. L'ENA ne l'a pas formatée et c'est en ça qu'on peut imaginer qu'elle pourra gouverner autrement.» Cela ne convainc guère ses adversaires. En mai, Laurent Fabius lançait perfidement : «On me dit que j'incarne le passé. Ceux qui le disent avaient les bureaux voisins des miens à l'Elysée à l'époque...» Difficile, dans ces conditions, d'affirmer que l'ancienne conseillère de François Mitterrand garantit seule un changement d'ère politique. Les femmes sont aussi des hommes politiques comme les autres.

srfemme

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