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LA VOIE "ROYAL"
28 août 2006

Discours de François Hollande à la Rochelle - 27 août 2006

fh_discours

Chers Camarades,

Notre Université d’été est exceptionnelle. Non pas tant par la participation militante inégalée, par la présence massive d’élus venus témoigner de leur action, non pas tant parce que les jeunes du MJS ont organisé, cette année, un débat d’un éclat, à tous égards, exceptionnel lui aussi. Elle l’est parce que nous sommes à la veille d’une rencontre électorale elle-même exceptionnelle. Notre Université d’Eté de La Rochelle a un devoir de victoire. Nous sommes conscients d’être dans la première étape victorieuse de l’élection présidentielle.

Ces derniers mois, ensemble, nous avons fait du bon travail : d’abord notre synthèse du Mans qui a donné espoir au PS ; ensuite, l’unité des socialiste autour de leur projet, la désignation à parité de nos candidats aux élections législatives, avec le souci de représenter la diversité de la société française qui avait tant manqué et qui manque encore, le succès d’une formidable campagne d’adhésion –merci à celles et ceux qui nous font l’honneur de venir et merci aux plus anciens d’être restés-, dans un contexte où, avec le mouvement social, nous avons été capables de faire reculer le gouvernement sur le CPE. Formidable victoire sociale qui annonce une victoire politique.

Certes, nous ne sommes pas au bout du processus. Il nous reste beaucoup à faire, et notamment dans trois mois, le choix de celui ou de celle qui nous représentera lors du scrutin présidentiel –même si cette question légitime, importante, incontournable et qui ne doit pas être obsédante car pour séduire nul besoin d’être obsédé- ne doit pas occulter toutes les autres.

Nous mesurons l’attente qui est portée sur le Parti socialiste. Nous représentons la seule alternative à la droite, l’instrument de sa défaite, l’espérance du changement. C’est déjà beaucoup. Mais, il s’agit pourtant plus que cela. Je considère que l’élection présidentielle du mois de mai 2007 sera, à bien des égards, aussi historique que celle de mai 1981. Il s’agit d’ouvrir un nouveau cycle politique, obligera à relever des défis essentiels de la période.

D’ABORD REDRESSER LA FRANCE : aujourd’hui abaissée par une gestion de l’Etat fondée sur l’irresponsabilité et la mystification, abîmée par les inégalités, les discriminations, la précarité, amoindrie par la défiance à l’égard de la politique et la peur de l’avenir. Bref, il faudra lui redonner confiance, fierté, unité.

ENSUITE RELANCER L’EUROPE : aujourd’hui arrêtée dans son projet, contestée même dans ses orientations, ligotée dans ses procédures, éclatée dans son expression politique. Bref, il faudra lui redonner puissance, démocratie et légitimité.

ENFIN, CONTRIBUER A NOTRE PLACE –ET LA France N’EST PAS A N’IMPORTE QUELLE PLACE- A MAITRISER LE MONDE : aujourd’hui divisé, éclaté, dominé par l’hyper puissance américaine, menacé par les dérèglements climatiques, énergétiques, économiques, commerciaux (crise de l’OMC), politiques. Il faudra lui redonner des règles, un cadre, des institutions… bref, un nouvel ordre.

Les graves événements survenus cet été au Liban et en Palestine le confirment. L’autorité de l’ONU doit être réaffirmée, ses moyens d’intervention renforcés. Et, à cet égard, je regrette que la France qui avait su, à juste raison, fixer les principes qui ont servi de base à la résolution 1701 de l’ONU ait tardé à répondre à l’attente qui était portée sur elle. Et comment comprendre cet oubli trop souvent répété de l’Europe qui finit par isoler la France, comme si la solitude était synonyme de grandeur ! Mais, aujourd’hui, il faut réussir à aider les Libanais à reconstruire et la paix et leur pays. Et c’est aussi notre responsabilité avec les collectivités locales que nous dirigeons de décider d’apporter des aides aux collectivités libanaises. Et je ne veux pas oublier Gaza qui continue de souffrir, où des violences sont commises et où aucune décision politique n’est prise.

Nous devons nous situer à la hauteur de ces enjeux si nous voulons donner à notre projet un sens qui aille au-delà d’une banale alternance, d’une médiocre question de places, d’une revanche par rapport à 2002 ou d’un simple face à face. 2007, c’est un choix de société. C’est une décision qui modifiera la donne en France, mais aussi Europe, et qui résonnera loin dans le monde.

Il nous reste 8 mois. C’est un temps long si nous restons tournés sur nous-mêmes, repliés sur nos propres affaires et sur les seules questions de personne.C’est un temps insupportable pour celles et ceux qui nous attendent. C’est un temps court si nous considérons l’impatience de nos concitoyens, le désespoir de beaucoup, la gravité des problèmes, les forces de toute nature que la droite va mobiliser pour nous faire obstacle.

La victoire n’est pas acquise et elle ne s’obtiendra qu’à certaines conditions. Je veux vous fixer trois objectifs essentiels si l’on veut la construire ensemble :

I - Promouvoir notre projet pour la France
Les leçons politiques des scrutins précédents sont claires : Il n’y a pas de succès possible sans une mobilisation populaire autour de propositions traduisant une vision de la France et une volonté de changement. Le projet socialiste est notre meilleur atout. Car, la prochaine élection présidentielle doit être un choix simple entre deux politiques : le libéralisme autoritaire ou le développement solidaire, deux avenirs possibles, deux contrats de gouvernement, deux philosophies. Ce projet nous engage tous. Non pas parce que nous l’avons tous voté –ce serait déjà une bonne chose, mais parce qu’il porte une ambition collective pour la France.

Il est fondé sur un diagnostic lucide de la situation : la mondialisation libérale qui pèse, le sentiment de déclin, le doute sur les capacités du politique. Mais il relève aussi les atouts de la France : la vitalité de sa jeunesse, le sens de l’innovation de nos entreprises, la qualité de ses services publics, l’attachement aux idéaux de la République.

Il fixe le bon cap. Celui de la réussite : réussite de la France, réussite de tous. Il a une méthode qui est celle de la cohérence : le dynamisme économique et la cohésion sociale vont de pair. L’une ne peut être produite sans l’autre. Il n’est pas un catalogue de propositions, mais une démarche dans la durée, au-delà même d’un quinquennat. Ce qu’il faut, c’est une vision longue, car il nous faut aussi gagner la suivante.

Il répond à l’urgence : le pouvoir d’achat, le chômage, la précarité, les discriminations, l’insécurité, les violences.

Et il prépare l’avenir : Priorité à la Recherche, diversification énergétique, environnement, Education, pour bâtir un nouveau modèle de développement.

Il ne distingue plus politique intérieure et politique extérieure. Le changement des règles du commerce international, l’aide au développement, l’orientation de l’Europe, le rôle des institutions internationales dans le maintien de la paix sont des sujets dons les répercussions sont directe sur notre pays, je pense notamment à la question de l’immigration.

C’est pourquoi ce projet est nouveau. Certes, il s’appuie sur le socle solide des avancées des précédents gouvernements de gauche depuis 1981 et qui font notre fierté collective et nous donne crédit pour convaincre, mais il tire toutes les leçons de nos succès comme de nos échecs pour répondre aux problèmes d’aujourd’hui et aux défis de demain.

Il ouvre la voie à une nouvelle croissance
Tout doit être fait pour un retour à une croissance forte : poursuivre la baisse du chômage, assainir les finances publiques, garantir les retraites et la protection sociale. Or, aujourd’hui, son rythme est faible, à peine 1,5 % en moyenne depuis 2002 –elle était de l’ordre de 3 % quand nous étions aux responsabilités. Et la reprise annoncée à grands fracas de communiqués est fragile au regard de la perte de compétitivité de nos entreprises, du retard technologique et de l’endettement des ménages. Elle est en plus inégale, puisque confisquée par les détenteurs de capitaux et les plus hautes rémunérations.

Elle est même destructrice quand elle ne se traduit par en termes de progrès collectif ou de qualité de vie.

Nous devons donc jeter les bases d’un nouveau modèle de croissance et lui donner une triple caractéristique : sociale, innovante, écologique.
- Une croissance sociale
• Fondé sur un nouveau partage de la valeur ajoutée entre travail et capital. Et la relance du pouvoir d’achat est une réponse autant économique que sociale : conférence salariale, hausse du SMIC le plus vite possible (1 500 euros d’ici 2012), impôt citoyen sur le revenu pour alléger la contribution des catégories modestes, suppression pure et simple des stock-options.
• Priorité à l’emploi : modulation des cotisations sociales selon la durée du contrat de travail –c’est-à-dire moins sur les CDI et plus sur les contrats précaires, changement de l’assiette des prélèvements sociaux pour faire qu’ils pèsent moins sur le travail et plus sur la richesse produite, formation sur toute la vie ; droit individuel à la formation (carte vitale professionnelle).
- Une croissance innovante :
• Priorité à la Recherche : augmentation de 10 % par an des crédits de Recherche, pôles de l’enseignement supérieur. Création d’un fonds public de participation pour apporter des capitaux aux entreprises innovantes

• Soutien à l’investissement : distinction du taux d’IS selon que le bénéfice est distribué aux actionnaires ou réinvesti.
- Une croissance écologique
• Sobre, moins consommatrice d’énergie : donner priorité aux énergies renouvelables, isolation des logements, transports collectifs. Préparer la société de l’après pétrole, avec une fiscalité écologique fondée sur le principe « pollueur / payeur ».
• Humaine, soucieuse du bien être plutôt que du mal produire ou du mal consommer ; préservation des ressources naturelles (eau) ; sécurité alimentaire ; gestion des déchets (engageant notre économie vers le 100 % recyclable), respect des pays du Sud. Notre croissance ne peut être fondée sur le pillage de leurs ressources, mais sur leur mise en valeur.

Notre projet propose de nouveaux instruments pour l’égalité.
- L’Education : c’est là où tout se joue
• Service public de la petite enfance dès 2 ans
• Scolarisation obligatoire dès 3 ans
• Accompagnement scolaire fondé sur la gratuité contre la marchandisation de l’école
• Plus de rattrapage pour nos universités (1er cycle)
- L’emploi : c’est à partir de là que tout se construit
• Entreé dans la vie active : allocation d’autonomie dans le cadre d’un parcours de formation.
• Couverture professionnelle universelle : garantir les transitions, permettre les requalifications, assurer les promotions avec un service public unifié de l’emploi
• Agence de réindustrialisation : prévenir les délocalisations, localiser les activités, accompagner les reclassements.
- Le logement : c’est là où tout se vit
• le bouclier logement : plafonner à 25 % maximum la part du budget des ménages dans le parc conventionné.
• la mixité sociale : sanctionner les communes qui ne respectent pas les obligations en matière de logements sociaux.
- La lutte contre les discriminations
• à l’égard des femmes (loi contre les violences)
• par rapport aux origines : égalité des chances dans les entreprises, sanctions pénales renforcées.
• Par rapport aux choix de vie et à l’orientation sexuelle. Amélioration du PACS et droit au mariage.

Notre projet ouvre une nouvelle démocratie.
C’est la condition du succès et c’est le sens même de notre action : ma conviction profonde est qu’il faut partager le pouvoir pour le rendre plus efficace. C’est là-dessus que nous avons le plus manqué de lucidité. Nous nous sommes installés dans les institutions de la Vè République, croyant y être abrités, et elles nous ont usés. Nous avons décentralisé la France, mais gardé une méfiance à l’égard des élus, y compris les nôtres, oubliant qu’il n’y a de politique nationale réussie que si elle est prolongée au plan local. Nous avons marqué trop de distance à l’égard des syndicats et des forces vives pour constater amèrement qu’ils n’étaient pas au rendez-vous dans l’application de nos lois ou dans la prise de responsabilité. Enfin, nous avons laissé les citoyens trop loin des grandes décisions publiques, y compris sur la construction européenne et nous l’avons payé cher.

Aujourd’hui, si l’on ne prend pas conscience que la démocratie est à la fois le but ultime de notre idéal socialiste –faire que chaque citoyen puisse décider- mais aussi la méthode pertinente pour réussir, nous rencontrerons les mêmes difficultés, les mêmes déconvenues.

Il faut changer de politique, mais il faut aussi changer la politique. D’abord les institutions ; il faut poser le principe de responsabilité car il est fondateur en République et cela vaut d’abord pour le Chef de l’Etat qui doit avoir un statut, sans pour autant accepter un pouvoir dominant, exclusif, solitaire dans nos institutions. Diriger, impulser, fixer le cap : oui. Mais, décider de tout, nominations, proposition de lois, engagements de la France : non ! Le Président de la République qui décide doit toujours rendre compte. La victoire de 2007, ce n’est pas une présidence socialiste, c’est une nouvelle présidence.

Il faudra aussi que le Parlement joue pleinement son rôle de législateur, avec un ordre du jour, avec la suppression du 49.3, le contrôle de l’Exécutif, y compris de la politique étrangère. Cela supposera un Parlement rénové dans ses formes. C’est pourquoi, nous proposons que les parlementaires n’exercent que ce seul mandat.

Il faut aussi une démocratie plus directe avec la décentralisation qui devra connaître une nouvelle étape, la loi d’initiative citoyenne, le droit de vote des étrangers aux élections locales qui doit enfin être reconnu. Ces réformes seraient pour l’essentiel soumises à un référendum institutionnel, à la condition de le dire dans l’année qui suivra notre victoire. Le référendum, on en connaît les vertus, on en sait les risques… A nous donc d’être convaincants.

Mais, au-delà de la démocratie politique, nous n’arriverons à porter nos engagements, à mettre en œuvre nos propositions, à convaincre le pays que si nous avons une démocratie sociale active, que si nous respectons les syndicats, que si nous les renforçons, que si nous les associons non pas à nos décisions, mais aux décisions du pays tout entier. D’où le principe d’abord de reconnaissance de l’accord majoritaire, du financement public des syndicats mais aussi du droit des salariés à être représentés dans les lieux de décisions de l’entreprise ; non pas de décider comme les actionnaires, mais de décider dans l’entreprise pour l’intérêt de l’entreprise. D’ailleurs je crois que, aujourd’hui, même les petits actionnaires auraient davantage intérêt à ce que les salariés soient dans les conseils d’administration pour protéger leurs intérêts !


Démocratie plus directe, mais démocratie plus responsable. Cela vaut pour ceux qui exercent des mandats et cela vaut aussi pour les citoyens. C’est la raison pour laquelle nous avons fait la proposition d’un service civique obligatoire. A nous d’expliquer que pour le renforcement du lien social, que pour de l’utilité collective, que pour le pays lui-même, il ne faut pas toujours tout recevoir ; il faut aussi à un moment donner en retour.

Voilà notre projet. C’est une grande ambition et un outil de transformation. Il doit construire un véritable changement. Il fait appel à la volonté, sans laquelle rien n’est possible, mais aussi à la crédibilité, sans laquelle rien n’est durable. C’est sur lui que nous ferons campagne, que nous devons convaincre. Chaque citoyen doit désormais savoir les changements concrets qui, à travers ce projet, seront ouverts par la victoire de la gauche.

II - Dresser le bilan de la droite depuis 2002

L’élection présidentielle de 2007 doit être un grand rendez-vous démocratique : utile au pays, clair pour les Français, sincère sur les enjeux. Il doit porter sur les propositions, les conceptions de la France. Pas une confrontation d’un parti contre un autre pour occuper les places. Pas celle d’une personne contre une autre pour exercer solitairement le pouvoir. Pas celle d’une confusion. Nous avons tout avantage à la clarté. Nous devons dire dès à présent ce qu’est la droite, et notamment à travers Nicolas Sarkozy, puisque c’est celui qui entend la représenter.

1/ - Nous connaissons ses méthodes
- C’est la division entre les Français, entre les salariés, entre les générations, entre les quartiers et même entre les religions que l’on encourage en tournant le dos aux principes de notre République laïque.
- C’est l’agitation, l’utilisation des peurs, en voulant faire de la sécurité et de l’immigration le seul sujet du débat politique, au risque calculé de mettre une nouvelle fois l’extrême droite au centre du jeu électoral
- C’est la précarité : au nom de la responsabilité individuelle.
- C’est la confusion : la droite, avec Nicolas Sarkozy, sait que sur son terrain –le libéralisme- elle est sûre d’être battue ; alors elle ruse et adopte le discours compassionnel pour s’adresser à toutes les catégories sociales supposées connaître à l’identique les mêmes souffrances. Sa tactique est toujours la même : le discrédit de la politique, l’indifférenciation des projets, la flatterie catégorielle pour servir les mêmes intérêts. Et voilà Nicolas Sarkozy qui redécouvre la misère sociale, la souffrance ; il stigmatise les patrons voyous –il doit les connaître, dénonce la Banque centrale européenne comme un repère de l’orthodoxie monétaire… Nouvelles mystifications pour cacher ses intentions. Nous devons dire ce qu’il veut et qui n’est plus une adaptation de notre modèle social ou une inflexion plus libérale de la politique économique ou un conservatisme frileux sur les choix de société. Non. Ce que veut Sarkozy, c’est une rupture ; pas avec son passé, son compagnonnage avec Jacques Chirac, mais avec notre histoire commune, une conception de la France. C’est une déconstruction de tout ce qui a patiemment été bâti depuis au moins un demi-siècle, au-delà même des alternances.

2/ - Ses propositions :
- démantèlement de la progressivité de l’impôt : baisse de l’impôt sur le revenu, remise en cause de l’impôt sur la fortune et suppression de l’impôt sur les successions payé par 20 % des Français ;
- démantèlement de la protection sociale : instauration de franchise sur les prestations maladie obligeant au recours aux assurances privées;
- démantèlement du contrat de travail : des heures supplémentaires, travailler plus pour ne pas gagner davantage ;
- démantèlement des principes de la République avec la mise en cause de la laïcité, la privatisation des services publics, la marchandisation de la société.

3/ - Son bilan
Nous devons aussi dire que le projet de la droite, de toute la droite, c’est son bilan, et caractériser ce qui a été sa politique depuis 2002.

Elle a dégradé le présent et hypothéqué l’avenir.

La France d’aujourd’hui va mal. Chacun le mesure à l’aune de ce qu’il vit au mieux comme une stagnation, au pire comme un déclassement. Le chômage, dont le gouvernement annonce -depuis plus d’un an- chaque mois la baisse, est au niveau de 2002. Et lorsque l’on sait que sa diminution est due essentiellement à la démographie, aux radiations et aux emplois aidés, qui peut prétendre que la France va mieux ! On nous parle de créations d’emplois, mais leur nombre en 5 ans de gouvernement de droite aura été équivalent à ce que nous avions fait en un an sous le gouvernement de Lionel Jospin. Et encore, elles ont été produites par un développement considérable de la précarité sous toutes ses formes : intérim, CDD (7 % des embauches se font sous cette forme) et CNE, dont je redis ici que nous déciderons l’abrogation.

Le pouvoir d’achat des salariés est resté au mieux stable -quand il n’a pas régressé sous la pression de la hausse du prix des carburants ; la progression des loyers ; l’alourdissement des prélèvements. Les écarts salariaux se sont élargis. Et, aujourd’hui, la moitié des salariés sont payés entre 1 et 1,5 SMIC, contre 40 % il y a quelques années. Et les inégalités de revenus et patrimoines se sont creusées. Avec des rémunérations scandaleuses pour les dirigeants d’entreprises, les mêmes qui demandant cyniquement à leurs salariés des sacrifices et des efforts pour être compétitifs pour s’adapter à la mondialisation. Jamais le cynisme n’aura autant rimé avec capitalisme !

Et aujourd’hui que la croissance revient, même timidement, et que s’exprime la revendication légitime de la redistribution des gains, on ne convie personne à la table de la répartition… même pour partager les miettes du festin ! Et le gouvernement multiplie les annonces et les mesurettes (chèque transport, allocation de rentrée pour les étudiants, PPE…) qui sont au pouvoir d’achat ce que les apéricubes sont à la gastronomie.

C’est pourquoi j’ai fait, au nom du Parti socialiste, la proposition d’une conférence sur le pouvoir d’achat où les négociations salariales seront relancées dans les branches professionnelles, là où les minima salariaux sont encore en dessous du SMIC et où les mesures fiscales appropriées seraient discutées pour amortir le choc énergétique sur le budget des ménages. Et d’ailleurs, plutôt que d’inventer des dispositifs compliqués, mieux vaut que l’Etat réintroduise la TIPP flottante, comme on lui en fait la demande depuis deux ans.

Mais, la politique de la droite n’est pas simplement injuste et inefficace. Elle est dure. Pour les jeunes (CPE, banlieues) ; pour les salariés, dont beaucoup deviennent des travailleurs pauvres ; pour les fonctionnaires ; pour les retraités et pour les plus fragiles, je pense notamment aux exclus, aux mal logés et aux immigrés. C’est la situation des enfants étrangers scolarisés et qui sont menacés d’expulsion depuis 2002 alors que, pour beaucoup, ils sont intégrés ; ils vont connaître l’arbitraire. Car, Nicolas Sarkozy a déjà annoncé le nombre de régularisés avant même de connaître le nombre de dossiers déposés. Et c’est lui qui est confronté à une régularisation massive, alors qu’un traitement continu des situations, sur la base de critères simples et transparents, aurait permis de régler dans la sérénité une grande part des difficultés. Mais, c’est aussi le drame de Cachan où la première des exigences c’est le relogement de tous ceux qui ont été chassés dans les conditions que l’on sait.

Le bilan de la droite n’est pas seulement une détérioration des conditions de vie d’aujourd’hui, c’est aussi un héritage qui pèse lourdement sur les générations futures :

- La compétitivité des entreprises s’est détériorée : le déficit de notre commerce extérieur a atteint un niveau historique (25 milliards d’euros). La France, à d’autres époques, n’y aurait pas résisté. Si nous étions encore au franc, quel en serait son niveau aujourd’hui ? Au même niveau que la côte de popularité de Dominique De Villepin !
- La Recherche et les universités françaises ont perdu du terrain dans les classements internationaux ;
- Les infrastructures publiques ont pris du retard avec le désengagement de l’Etat des contrats de plan avec les régions ;
- Les déficits de la Sécurité Sociale se sont creusés au point d’être, aujourd’hui, sous perfusion bancaire : les régimes de retraite –malgré la réforme injuste du gouvernement Raffarin- sont dans le rouge (4 milliards d’euros fin 2007) ; l’assurance maladie est structurellement déséquilibré (plus de 6 milliards d’euros), malgré les déremboursements et les prélèvements, aucune contrepartie n’ayant été fixée aux augmentations d’honoraires des profession de santé ;
- L’endettement public s’est creusé de 120 milliards en 5 ans (10 % de la richesse nationale). Et, ce sont les générations futures qui devront payer les cadeaux fiscaux de la droite depuis 2002 et son incapacité à maîtriser les finances publiques. Et ce n’est pas l’artifice dans la gestion de la trésorerie de l’Etat ou les privatisations qui pourra créer l’illusion. La France restera pour longtemps entravée et il nous reviendra de retrouver des marges de manœuvre. Car, il s’agit aussi de l’indépendance de la France.
- Et, puisque j’évoque notre indépendance, c’est aussi celle de notre politique énergétique. Elle est aujourd’hui menacée par le projet de privatisation de G.D.F, à travers la fusion avec SUEZ. Ce projet est aussi inutile que dangereux. Il ne protègera pas SUEZ, même ainsi renforcé, d’une OPA hostile. Il obligera à des cessions d’actifs en France et en Belgique. Il pèsera sur la consommation des ménages avec l’abandon de toute politique tarifaire, même si le gouvernement nous dit qu’il écarte toute nouvelle hausse d’ici juillet 2007. Juillet 2007 ! C’est déjà un aveu. Je confirme devant vous que le Parti socialiste, à travers ses groupes parlementaires, s’opposera autant qu’il le pourra à ce texte. Nous ne sommes pas dans une bataille de procédure, mais dans une confrontation politique qui doit faire reculer le gouvernement qui n’a plus la légitimité pour décider d’un choix majeur, et pour l’essentiel irréversible. Et nous ferons la proposition alternative d’un pôle public de l’énergie regroupant EDF et GDF.

Mais, l’échec de la droite n’est pas seulement économique, social. Il est aussi moral. Sa pratique est celle de l’irresponsabilité. Jacques Chirac en a fait sa règle de vie politique, jusqu’à ne pas tenir sa promesse d’un statut pénal pour le Chef de l’Etat. Le Premier ministre se paie de mots. Et le verbalisme est devenu la doctrine officielle. Il évoque le patriotisme économique dans l’OPA de Mital sur Arcelor pour, finalement, laisser faire la fusion qui aboutit à écarter les dirigeants français de la gestion du groupe. Il parle de la grandeur de la France et ne renonce pas aux petitesses, y compris pour déstabiliser ses propres amis. Bref, il parle, parle et tellement, qu’il lui arrive de déraper.

Quant à Nicolas Sarkozy, il veut tout, prend tout, décide de tout et va même, quand les vents sont mauvais à tourner avec veux. Rappelez-vous le CPE et aujourd’hui son revirement sur GDF. Il avait dit que jamais la participation de l’Etat ne descendra en dessous de 70 % ; et, comme il revenait de Chine, il avait même dit que cet engagement était aussi haut que la muraille de Chine… Il faut prévenir de suite les dirigeants chinois ! Comme il prend tout et décide de tout, il sera donc responsable de tout. Il n’a pas été un témoin, mais un acteur : il a même exercé, dans ce quinquennat, le premier rôle. Donc, le bilan de la droite c’est son projet.

III – Créer une dynamique de victoire

Je veux le dire avec force, car c’est ma responsabilité : nous n’avons pas le droit de perdre l’élection de 2007. Pas pour nous, mais pour les Françaises et les Français qui attendent la gauche.

C’et vrai que la victoire est possible. Il y a le rejet de la droite, la crainte qu’elle inspire, l’envie de changement, le remords de 2002. Mais, si les conditions de la victoire sont réunies, rien n’est fait. Et nous savons que la droite, au-delà de ses querelles, fera bloc parce que ses intérêts fondamentaux sont en cause. Elle reculera devant aucune méthode. Elle utilisera sans complexe les moyens de l’Etat, promettra sans retenue et fera campagne à nos frais. Et qu’elle sera soutenue, comme jamais, par les puissances d’argent car jamais un candidat de la famille gaulliste n’en avait été aussi proche... au point de se confondre avec elles.

Alors, tout dépend de nous-mêmes ; de nous les socialistes et de la gauche.

Pour ce qui nous concerne, nous avons fait une grande part du chemin : nos victoires de 2004, notre synthèse du Mans après nos divisions sur le référendum, notre unanimité sur le projet.

Reste une question qui n’est pas secondaire, celle de la désignation de notre candidat(e). Elle doit être, comme la démocratie, la meilleure des choses et pas la pire, une force et non une faiblesse. Nous avons, ici, nos sensibilités, nos préférences, nos convictions, nos intuitions, nos pronostics, mais nous avons deux certitudes :

Nous avons le devoir de gagner, car c’est mieux que de perdre

Notre candidat(e), au-delà de ses mérites, ne réussira pas seul. Aussi, devons-nous avoir à l’esprit des règles de comportement et pas seulement pour nous-mêmes, mais vis-à-vis des Français. L’échéance principale n’est pas celle du 16 novembre –date de la désignation de notre candidat(e)- mais le 6 mai 2007, vote des Français. A la première élection, nous sommes sûrs de gagner. Mais, c’ est la seconde qui compte.
Nous ne pouvons pas être préoccupés de nous-mêmes, mais tournés vers nos concitoyens. Alors, nous devons être exemplaires.
• Nous avons un projet et un seul
Il nous engage tous. Et en premier lieu le candidat ou la candidate que nous choisirons. Chacun peut le promouvoir, le préciser, le personnaliser, mais pas le dénaturer ou le dévider. Et encore moins l’oublier.

• Nous avons une procédure et une seule
C’est le vote des militants. Nous l’avons voulu, nous en avons fait même la thématique de notre campagne d’adhésion. Il ne faut pas en avoir peur. Il doit être une force. Il départagera celles et ceux qui, par leur talent, peuvent légitimement prétendre à cette responsabilité. Il y aura des débats, chacun pourra y livrer sa conception et démontrer ses capacités.

Il convient donc de faire en sorte que celui ou celle qui sortira de ce processus soit grandi et non pas diminué par notre exercice de démocratie interne.


• Nous avons un parti et un seul
Jamais trop d’ambitions au Parti socialiste, à condition qu’elles soient au service du PS. Jugeons les qualités, les intentions, les parcours. Que chacun fasse valoir ses atouts, mais sans dévaluer ceux des autres. Ecartons le dénigrement, la suspicion. Rien ne doit jamais pouvoir être utilisé par la droite le moment venu.

• Et, nous avons besoin de tous
Le rassemblement n’est pas un mot d’ordre, un rappel au règlement. C’est une nécessité, une condition de la victoire. Comme Premier secrétaire, j’ai cette obligation, ce devoir d’y veiller, jusqu’au dépôt des candidatures, dans la campagne interne, après le choix. Il est souvent dit –et je suis sensible à tant de sollicitude toujours amicale, jamais intéressée- que la pression serait forte sur moi. Une pression, J’en ai une en effet, et une seule, et j’en mesure chaque jour toute l’intensité : c’est de faire gagner la gauche. Et vous pouvez compter sur moi, je ne changerai pas de ligne en fonction des circonstances.

Et c’est d’ailleurs une conception de la politique fondée sur le rôle des partis indispensable à la République et de la démocratie partagée. Le succès de 2007 ne sera pas celui d’un seul, mais d’un collectif. La réussite, au-delà de 2007, ne sera pas celle d’un pouvoir concentré, personnel, vertical, mais celle de la démocratie. La majorité de 2007 ne sera pas celle d’un parti, mais d’une coalition. Nous ne serons pas majoritaires à nous seuls.

Et, c’est tout le sens du rassemblement de la gauche. Il existe dans la rue, dans l’électorat. Il peine à se traduire politiquement. Il faut donc prendre l’initiative. D’abord en marquant les convergences possibles. Le projet du PS n’est pas le programme du PC, pas davantage la plateforme des Verts. Sinon, il n’y aurait qu’un seul parti. Mais, qu’est-ce qui nous empêche de se mettre d’accord sur des propositions communes que nous pourrions défendre ensemble dans la campagne, puis mettre en œuvre avec ceux qui le voudront au gouvernement du pays.

C’est l’ordre du jour que je veux donner au sommet de la gauche au mois de septembre : une volonté commune de battre la droite, la recherche de convergences à gauche préparant, le moment venu, un véritable contrat de gouvernement. Et, au-delà, préparer les conditions d’une grande confédération de la gauche, capable d’appuyer et d’accompagner le futur gouvernement qui sera celui, je l’espère, de toute la gauche.

Ensuite, en organisant le processus électoral dans un esprit unitaire. Nous avons tout à gagner du pluralisme à gauche, tout à craindre de la dispersion. Au premier tour de l’élection présidentielle, un regroupement est possible avec nos partenaires les plus proches. Ce qui suppose un accord de gouvernement et un partage des circonscriptions. C’est la démarche que nous engageons avec les Radicaux de gauche et le MRC.

Je comprends la présence du PC et des Verts. C’est leur tradition depuis 1981. Ce peut être un facteur d’enrichissement s’il y a une dynamique d’union.

Enfin, il y a la question de « la gauche de la gauche ». Ce n’est pas ma formule. J’estime que je suis à gauche, que nous sommes à gauche. Je préfère dire « l’autre gauche ». Elle a parfaitement le droit d’être présente dans la compétition. Nous la respectons dans ses contestations que nous partageons souvent sans aller jusqu’à son intransigeance, mais nous devons la mettre devant sa propre responsabilité. Veut-elle battre la droite et donc appeler à voter PS au deuxième tour ? Ou rester dans une position d’indifférenciation qui deviendrait celle de l’indifférence à l’égard du sort de nos concitoyens ? Elle a le droit de ne pas gouverner avec la gauche, mais qu’elle ne nous empêche pas de le faire.

Et c’est pourquoi nous n’avons pas besoin d’offre supplémentaire de candidatures, mais d’une offre complémentaire de service pour contribuer au changement.

C’est le fondement de notre position sur les parrainages. J’ai été surpris qu’elle surprenne ! Le Parti socialiste est généreux –il l’a parfois peut-être été excessivement. Il n’est pas masochiste. On peut aimer son prochain mais ne pas accepter de prendre sa main sur la figure après l’avoir nourri.

Car, c’est la nature même de l’élection présidentielle qu’il faut rappeler. Ce n’est pas un grand débat ouvert à tous pour confronter les points de vue. C’est le choix du futur Président de la République et de la majorité qui soutiendra son projet. Ce n’est pas un vaste chahut, c’est un grand changement. Il faut donc donner toute sa clarté à l’élection présidentielle.


CONCLUSION

Nous sommes tous conscients de l’enjeu, de la responsabilité qui est la nôtre et qui dépasse nos sorts personnels, nos destins individuels. Jamais une échéance n’aura été aussi attendu après l’acte manqué de 2002. Nous avons un devoir de victoire.

Tout va aller vite. Il nous faut maîtriser nos processus, travailler ensemble pour convaincre, pour rassembler la gauche. Besoin de tous les élus, militants, nouveaux adhérents, jeunes ou pas. Nous sommes une grande force qui doit en lever une bien plus grande encore. Un mouvement qui doit en engager d’autres en Europe. Nous devons lever un immense espoir pour une politique différente ici et au-delà de nos frontières.

Donnons à la politique toute sa dignité. A la démocratie toute sa place. Au socialisme tout son souffle. Et à la France toute sa chance.

La chance de la France, c’est le socialisme.

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