Le message de Michel Le Bellac, Professeur Emerite a l'Universite de Nice
A propos de sa position sur l'Iran, Ségolène Royal a été accusée de confondre nucléaire civil et nucléaire militaire. Ses compétiteurs devraient pourtant savoir qu'il n'y a pas de cloison étanche entre les deux.
Certes le taux d'enrichissement en uranium 235 est différent pour le civil (3 à 5%) et le militaire (80 à 90%), mais à partir du momnent où on dispose de centrifugeuses (et que l'on maîtrise le processus de conversion), il suffit de surmonter quelques problèmes techniques pour passer de d'un enrichissement à l'autre. Par ailleurs, comme chacun sait, un réacteur nucléaire produit du plutonium, et avec du plutonium on fabrique aussi des bombes. Il a fallu moins de deux ans à partir d'un réacteur fabriqué (ou plus exactement bricolé) par Fermi à Chicago pour accumuler suffisamment de plutonium pour la bombe de Nagasaki. Ce n'est pas par hasard qu'Israel a détruit en 1981 le réacteur irakien offert par la France, sans que cela soulève de protestations véhémentes, et pour cause!
Avec l'Iran actuel, les conditions d'accès au nucléaire civil doivent être
1. L'Iran ne doit pas enrichir lui-même l'uranium et doit se le procurer à l'extérieur (c'est le cas pour le réacteur de Bouchehr, ce sont les Russes qui fournissent le combustible). Le ``droit" à l'enrichissement n'est pas une conséquence automatique de la signature du TNP.
2. L'Iran ne doit pas retraiter les barres de combustible qui doivent être expédiés hors de ses frontières, sinon il ne lui faudra pas longtemps pour accumuler assez de plutonium.
Avec de telles conditions, si l'Iran ne respectait pas les accords, la fourniture de combustible pourrait être immédiatement stoppée, et le risque de nucléaire militaire minimisé.
A ma connaissance, l'Iran n'est pas prêt à accepter ces deux conditions, et la position de Ségolène Royal est parfaitement justifiée, même si elle pose des problèmes diplomatiques évidents. Avant de la taxer d'incompétence, ses compétiteurs devraient d'abord balayer devant leur porte.
Michel Le Bellac, Professeur Emerite a l'Universite de Nice
Militant à la Section Nice 8
"J'ai ecrit un court texte sur le nucleaire iranien (je fus physicien nucleaire dans ma jeunesse!)"