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LA VOIE "ROYAL"
7 février 2007

La chronique de Jacques Julliard

Contre la chasse à courre


A tenter de faire passer Ségolène pour une idiote, on prend les Français pour des imbéciles

Et maintenant ça suffit ! Assez de ces émois postiches à propos d'un néologisme. Assez de ces petits cris énervés à propos d'un constat d'évidence sur la Corse. Asses de ces feintes suffocations de gaullistes en peau de lapin à propos du Québec. Assez de ce cabotinage. Stop au lynchage médiatico-politicien.

Sarko l'Américain - c'est ainsi qu'il aimait à se faire appeler naguère - a bien retenu l'une des pires leçons de la trash politic de là-bas. On met en place une cellule de crocheteurs pour fouiller par le menu la vie, la famille, les discours, les amours, les gestes de l'adversaire. Il faut le pilonner sans relâche, le concasser, le ridiculiser, l'avilir, au besoin le calomnier avec la lâche complaisance de la presse coprophage. Après ça, fustiger avec un toupet infernal la « campagne de caniveau » qui s'amorce. Prends-y garde, lecteur. Après quelques simagrées d'indépendance et de neutralité, les grands médias audiovisuels se sont rangés en ordre serré derrière Sarkozy. Leur acharnement anti-Ségolène donne la mesure exacte de leur servilité.


Ségolène Royal, que cela soit clair, a dit une grosse bêtise à propos de la justice chinoise. Le décalage horaire, sans doute... En revanche, sa sympathie pour le souverainisme québécois est conforme à mes sentiments et à ceux d'une majorité de Français. Quant au risque de voir les mêmes Français se lasser du terrorisme corse, c'est ce que disent tous les sondages et que, naguère, Raymond Barre avait exprimé avec franchise.

Que les aboyeurs du sarkozysme se méfient, pourtant. A tenter de faire passer Ségolène pour une idiote, on prend les Français pour des imbéciles et ils le savent. Dans le passé, cela n'a réussi ni à Fabius ni à DSK. Une des leçons à tirer de la campagne sur le référendum européen, c'est en effet que les citoyens ne supportent plus la morgue et l'arrogance des élites. Partisane du oui, Ségolène n'en est pas moins la porte-parole, sur ce point, de beaucoup de tenants du non.

Quant au jeu de société qui consiste à opposer à l'amateurisme présumé de Ségolène la stature d'homme d'Etat de Nicolas Sarkozy, qu'on y regarde à deux fois. Les variations de celui-ci sur le communautarisme sont inquiétantes ; ses changements de pied sur l'Europe ne le sont pas moins. Son intempérance verbale, notamment sur les banlieues, n'est pas pour rien dans l'incendie de l'automne 2005. S'il avait été président de la République depuis quatre ans, nous serions aujourd'hui en guerre avec l'Irak. A propos de la Corse, justement, si l'inconsistance des nationalistes l'a amené à une politique de fermeté justifiée, on ne saurait oublier que jusqu'au référendum il était prêt à leur donner les clés de la maison. Conclusion : si ses qualités politiques sont incontestables, ses contradictions à lui sont infiniment plus graves que les « bourdes » de Ségolène.

Car derrière le rideau de fumée des petites phrases il y a un problème réel : quand le ministre de l'Intérieur est aussi candidat à la présidence, l'impartialité de l'Etat peut-elle être garantie ? La réponse est évidemment non. Certes, en 2002, Jacques Chirac et Lionel Jospin ont fait campagne sans démissionner de leurs fonctions, l'un à l'Elysée, l'autre à Matignon. Mais pas place Beauvau ! J'ignore si la mise à jour concernant le conseiller de Ségolène Royal fait suite à une instruction de Sarkozy ou s'il s'agit d'un zèle spontané des Renseignements généraux, mais peu importe. Le résultat est le même. Nicolas Sarkozy a les moyens d'espionner ses concurrents, de manipuler l'opinion, de mettre l'Etat au service de ses intérêts personnels. Ce n'est pas acceptable. Il a senti lui-même l'incongruité de sa position en annonçant que lors du vote du 22 avril il ne serait plus ministre de l'Intérieur. Alors, pourquoi ne pas partir tout de suite ? Quelque chose me dit que ce serait mieux pour tout le monde.

Jacques Julliard
Le Nouvel Observateur

http://hebdo.nouvelobs.com/p2204/articles/a331840.html

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Commentaires
J
... et moi qui commençais à croire que le métier de journaliste avait changé d'enjeu (informer!...) et d'éthique (... de manière distanciée et objective), en faisant ses choux gras de quelques phrases, ou mots (en toute inculture parfois et sans prendre le temps de la documentation: par exemple, "bravitude" a déja été utilisé en titre par Rilke, pour l'un de ses poèmes).<br /> Mais il est vrai que tous n'ont pas le professionnalisme de J Julliard. Pour sourire, suivez ce lien:<br /> http://www.francematin.info/Un-coup-de-pompe-br-dans-le-c-_a9893.html <br /> ... et vous y trouverez une magnifique image de ceux qui pour masquer leur incompétence se placent servilement en garde rapprochée des grands du CAC40 et du capitalisme éhonté.
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