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LA VOIE "ROYAL"
28 février 2007

Iowa couronne Royal

roses

Le modèle statistique Iowa, établi par des chercheurs et qui s'appuie sur la situation économique et la popularité du Président sortant, a souvent vu juste.

Iowa couronne Royal

Par Eric BELANGER, Christine FAUVELLE-AYMAR, Michael S. LEWIS-BECK

QUOTIDIEN : mercredi 28 février 2007

Comme pour les législatives de 1997 et la présidentielle de 2002, Libération publie le pronostic pour le prochain scrutin de trois chercheurs, Eric Bélanger (université de Montréal), Christine Fauvelle-Aymar (LAEP-université Paris-I) et Michael S. Lewis-Beck (université de l'Iowa), qui travaillent à partir d'un modèle statistique baptisé «modèle de l'Iowa».

Parfois les résultats électoraux sont impossibles à prévoir. Personne ­ les sondeurs, les hommes politiques, les modélistes, les astrologues ­ n'avait prévu que Jean-Marie Le Pen serait présent au second tour de l'élection présidentielle de 2002. Néanmoins, un travail scientifique soigné, que ce soit par le biais de sondages ou de la modélisation, fournit souvent un éclairage sur les résultats à venir bien plus exact que le hasard ou l'intuition seuls. Un exemple important est le modèle appelé «modèle de l'Iowa» qui avait pronostiqué, avant le déroulement du scrutin, la victoire de Lionel Jospin et de la gauche lors des élections législatives de 1997 (lire Libération du 23 mai 1997). Pour établir cette prévision, le modèle de l'Iowa s'appuyait sur deux constats importants : la popularité préélectorale de Chirac avait chuté de 30 points et la situation économique en France était plutôt mauvaise.

Chômage. Le modèle de l'Iowa utilise l'hypothèse selon laquelle les électeurs déterminent leurs décisions de vote en fonction de la situation économique, sociale et politique durant la période pré-électorale. Une conjoncture difficile incite alors les électeurs à sanctionner le gouvernement en place en votant pour les partis de l'opposition. Et inversement, si l'électeur est satisfait des performances du gouvernement, il sera tenté de redonner le pouvoir au sortant. Le modèle de l'Iowa applique ces hypothèses, en utilisant un indicateur de la situation économique (le taux de chômage) et un indicateur de la popularité du sortant. En prenant en compte un indicateur de popularité, le modèle de l'Iowa ne considère donc pas du tout que seule l'économie influence les votes. En effet, le niveau de popularité du Président indique le degré de satisfaction qu'il rencontre dans l'opinion, et celui-ci intègre les opinions concernant un grand nombre de sujets politiques, comme l'immigration, la sécurité, l'Europe, l'environnement, la politique étrangère...

Pour construire le modèle de l'Iowa, on a collecté pour les sept dernières élections présidentielles de la Ve République, les données suivantes : le résultat électoral (V, le pourcentage de voix reçu par l'ensemble des candidats de gauche, soit l'extrême gauche, la gauche et les écologistes), le taux de chômage (U, considéré en logarithme), la popularité (P, l'indice de popularité Ifop, c'est-à-dire le pourcentage de personnes déclarant être satisfaites de l'action du Président). Bien entendu, nos mesures de P et U tiennent compte du fait que la gauche est au pouvoir ou non.

Régression. De plus, comme l'objectif est de faire des prévisions, c'est-à-dire d'indiquer ce qui va arriver avant que cela n'arrive, on a considéré le taux du chômage et la popularité du Président environ trois mois avant chaque élection. En utilisant une méthode d'analyse statistique standard connue sous le nom de régression multiple, ces données permettent d'établir l'équation suivante : Vote de gauche (premier tour) = 47,09 ­ 6,16U + 0,25P.

Ce modèle montre, statistiquement, que l'emploi et la popularité influencent l'appui aux candidats de gauche. Cette équation peut ainsi être utilisée pour prévoir le résultat de 2007. Nous avons ainsi pris les chiffres de décembre où le taux de chômage était de 8,7 %, et de novembre où la popularité du Président était de 36 %. Si l'on considère ces données par comparaison avec leur fluctuation historique lors de la Ve République, ces chiffres ne devraient pas réjouir le parti au pouvoir.

Si on introduit ces valeurs du chômage et de la popularité directement dans la formule, on obtient une prévision de 51,5 % de voix pour la gauche, au premier tour. Si cette prévision est correcte, elle se trouve alors pratiquement à égalité avec la meilleure performance que la gauche n'ait jamais faite au premier tour des présidentielles sous la Ve République (en 1981, elle avait obtenu 51,2 % au premier tour).

Pour prévoir le second tour, nous devons établir un ratio de transfert, qui permet de convertir les voix du premier tour en voix pour le second (ce ratio est établi par l'estimation d'une équation reliant statistiquement les précédents résultats du deuxième tour à ceux du premier). Si l'on procède ainsi, la prévision devient 52,7 % pour le candidat de gauche. Si ce calcul est sans erreur, Ségolène Royal sera la prochaine présidente. Bien entendu, un tel calcul ne peut jamais être totalement «sans erreur». Ainsi, l'erreur moyenne du modèle concernant les estimations des voix au premier tour est de 3,9 points de pourcentage et elle est de 1,1 point de pourcentage pour les estimations du second tour. Cette marge d'erreur suggère qu'il est tout à fait possible que Ségolène Royal perde.

Second test. Pour accroître la puissance de prévision du modèle, nous avons effectué un second test, en utilisant des données électorales au niveau régional. En considérant les résultats des quatre dernières présidentielles (1981, 1988, 1995 et 2002) dans les 22 régions françaises, cela nous donne un total de 88 observations, contre 7 pour le modèle appliqué aux données nationales. Nous avons mené essentiellement la même analyse que précédemment, le seul changement étant l'indicateur de popularité qui est maintenant la popularité des partis (communiste et socialiste), et non plus celle du Président.

L'équation que l'on obtient avec les données régionales permet de générer une prévision pour la gauche en 2007, au premier tour, de 46,44 % (valeur qui, comparée aux précédentes moyennes régionales, est meilleure qu'en 1995 et 2002 mais moins bonne qu'en 1981 et 1988). Cependant, lorsqu'on applique là encore un ratio de transfert, pour convertir les voix du premier tour en voix pour le second, la prévision grimpe à 51 %. Là encore, Ségolène Royal deviendrait présidente. Mais il faut, comme auparavant, ne pas oublier que dans toutes prévisions il y a une marge d'erreur et que, dans le cas présent, la prévision obtenue est très proche de 50 %.

http://www.liberation.fr/actualite/politiques/237811.FR.php

© Libération

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