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LA VOIE "ROYAL"
13 novembre 2008

La nouvelle synthèse de Ségolène Royal

Analyse

La nouvelle synthèse de Ségolène Royal, par Françoise Fressoz

LE MONDE | 13.11.08 | 12h52  •  Mis à jour le 13.11.08 | 13h58

Bis repetita. A peine la motion de Ségolène Royal avait-elle dépassé celle de ses concurrents, le 6 novembre, à l'issue du vote des adhérents socialistes, qu'ont resurgi les mêmes réflexes qu'au printemps 2006, lorsque la présidente de la région Poitou-Charentes s'était mise à grimper dans les sondages et à bouleverser l'ordre des choses. Au sein du Parti socialiste, le premier réflexe de ses camarades a été de contester sa capacité à rassembler : "Son score (29,5 %) ne lui permet pas d'être majoritaire", a d'abord déclaré le premier secrétaire sortant, François Hollande, son ex-compagnon, avant de rectifier le tir un jour plus tard. D'autres comme Harlem Désir, Pierre Moscovici, Jean-Marc Ayrault, signataires de la motion Delanoë, ont mis en avant une logique de "fragmentation". Michel Rocard a menacé de quitter le PS. Jean-Luc Mélenchon a mis la menace à exécution. Quand les portes claquent au PS, c'est le signe que quelque chose de fondamental est en jeu.

Symptomatiques aussi les réactions hors PS, dans les dîners en ville ou au zinc des cafés. D'un côté, les pro-Royal exultant du nouveau tour que cette guerrière de 55 ans a joué aux "éléphants". De l'autre, les anti-Royal, aussi violents que les premiers sont enthousiastes. A les entendre, sa percée signifierait ni plus ni moins la mort du PS, l'enterrement d'Epinay, l'abandon de la "vraie gauche" pour le pâle ersatz démocrate - comprenez centriste. Certains vont même jusqu'à mettre en doute ses capacités intellectuelles, désarçonnés par ses oscillations idéologiques et l'impossibilité qu'ils ont de la rattacher à une quelconque famille de pensée.

Dix-huit mois après son échec à l'élection présidentielle, Mme Royal crée toujours des clivages. Elle réussit même à faire sortir de leurs gonds les chefs d'entreprise qui, d'ordinaire, fuient les joutes politiques. "Je trouve que nous pourrions avoir d'autres débats plus constructifs sur ce que Total apporte à la société française", a déclaré Christophe de Margerie, le directeur général de l'entreprise, dans un entretien à La Tribune du 8 novembre, réagissant à la proposition de Mme Royal de taxer les "super profits" pétroliers pour sauver les entreprises en difficulté.

Dans son camp comme ailleurs, l'ex-candidate à la présidentielle ne laisse personne indifférent. Elle est aimée ou détestée, admirée ou rejetée comme un corps étranger. Jeanne d'Arc ou Savonarole. C'est selon. Car il y aussi son côté christique qui galvanise les foules, mais hérisse ceux qui, nourris au lait de la République laïque, vivent comme une transgression absolue les "aimez-vous les uns les autres" qu'elle lance dans ses réunions publiques. Tout cela est passionnel. Trop. Il faut de la sérénité, voire de la froideur, pour évaluer le phénomène politique qui se déroule sous nos yeux et qui touche bien au-delà de l'épiderme.

Retour aux faits : Ségolène Royal n'a pas déclenché de raz de marée dans la campagne du congrès de Reims : cela montre de facto que le fossé qui s'était installé entre elle et son parti pendant la campagne présidentielle n'est pas résorbé. En revanche, sa motion a nettement distancé celle de ses camarades qui pouvaient prétendre au poste de premier secrétaire. C'est le signe que ses concurrents peinent à contrer la rupture qu'elle incarne.

Le cas le plus intéressant est celui de Bertrand Delanoë. Le maire de Paris partait grand favori de la compétition. Il n'a pas échoué par amateurisme, préparant au contraire avec soin sa campagne. Dès l'été, il avait modernisé son discours en publiant un livre De l'audace ! (Robert Laffont, 290 p., 20 euros), dans lequel il vantait sa gestion pragmatique de la capitale et s'employait à réconcilier socialisme et libéralisme politique. D'où son slogan "Je suis libéral et socialiste", qui lui sera ensuite reproché. M. Delanoë avait aussi pris soin de rassembler derrière lui les figures historiques du parti - Michel Rocard, Lionel Jospin, sans oublier François Hollande, le premier secrétaire sortant -, en pensant qu'en ces temps troublés les adhérents ont besoin de savoir d'où ils viennent.

LA CONCEPTION DU VIEUX PARTI

Ce "j'assume tout" lui est revenu comme un boomerang : face à la rupture prônée par Mme Royal, le changement dans la continuité qu'il incarnait s'est révélé insuffisamment mobilisateur. Derrière cet échec, c'est toute la conception du vieux parti qui se trouve bousculée : M. Delanoë défend un parti de militants là où Ségolène Royal est soupçonnée de prôner un rassemblement de supporteurs. C'est aussi toute une façon de faire de la politique qui se trouve questionnée. Le maire de Paris faisait le pari qu'en période de crise économique et financière, un discours sage, sérieux, axé sur l'"efficacité de gauche" séduirait les militants. Il s'est trompé.

Martine Aubry, l'autre prétendante, avait d'emblée choisi un discours plus radical, celui de "la transformation sociale". Mais c'est sur le choix de ses alliés que la maire de Lille a commis une erreur : en acceptant de rassembler sur une même motion des strausskahniens et les fabiusiens qui s'étaient déchirés trois ans plus tôt sur l'Europe, elle a donné le sentiment de valider les pratiques du vieux PS. Celui qui, à coups de fâcheries et de réconciliations successives, a fini par donner l'image d'une formation politique opportuniste.

C'est sur ces deux erreurs qu'a surfé Mme Royal, sans pour autant parvenir à rassurer. Car, comme durant la présidentielle, son projet reste inabouti. Il est en devenir. Il fait fi des vieilles familles de pensée, à commencer par la social-démocratie qualifiée "d'idée périmée", mais n'en finalise pas de nouvelle. Il emprunte à la droite - la sécurité, "l'agilité", qu'il faut donner aux entreprises -, mais chasse aussi sur les terres de la gauche extrême, lorsqu'il propose par exemple de placer les banques sous la surveillance des salariés et des usagers. Il se nourrit de nouveaux thèmes - le développement durable - et de nouvelles pratiques - la démocratie participative -, qu'il tente de marier aux anciens. Il repose sur l'idée que le socialisme nouveau sera forcément une synthèse et non la victoire d'un courant contre un autre.

Entre 2002 et 2007, Nicolas Sarkozy n'avait pas procédé autrement à droite, refusant de choisir entre les libéraux et les étatistes de l'UMP, mais entraînant les uns et les autres dans une nouvelle synthèse fondée sur des valeurs identitaires fortes : la sécurité, le travail. Ce même type de travail semble engagé à gauche. En ce sens, le phénomène Royal n'est pas qu'épidermique.

Courriel : fressoz@lemonde.fr.

Françoise Fressoz (Chef du service Europe-France) 

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Commentaires
S
En tout état de cause, il apparait clairement que seule Ségolène peut véritablement changer les pratiques et rompre avec les vieilles combines d'appareil et d'apparatchik auxquelles nous assistons ces derniers jours...<br /> Que de mauvaise foi...<br /> Tout d'abord chez Benoit Hamon...qui fait d'1 éventuelle alliance avec le Modem un préalable pour toute discussion...mais est "proche d'1 accord "avec Martine Aubry...aurait il déjà oublié que cette dernière avait conclu un accord avec le Modem pour les municipales à Lille...<br /> quant à Bertrand Delanoe et sa troupe de "has been aigris"...pourquoi ont ils si peurs d'1 pari ouvert vers l'extérieur, à nouveau attractif..au fait , michel rocard ne devait il pas démissionner si la motion E arrivait en tête !!!<br /> Alors oui...Ségolène doit être candidate au poste de 1er secrétaire pour qu'enfin un vent de renouveau souffle sur le parti..et qu'une véritable alternative à la politique de Sarkozy puisse émerger...<br /> Tous ensemble, restons mobilisés et le 20 novembre faisons le choix de la rénovation en portant Ségolène à la tête du parti.<br /> <br /> YES, WE CAN
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